Le Lac de l’Uby : Un coin de paradis (et de patience)
Planqué entre les courbes douces du Gers, à deux pas de Barbotan-les-Thermes (pour ceux qui aiment concilier tanche et cure thermale), le Lac de l’Uby est un plan d’eau de 80 hectares qui a su séduire autant les carpistes chevronnés que les novices lestés d’espoirs. Quand on y va, ce n’est pas seulement pour tremper du nylon, c’est pour goûter à cette ambiance un brin mystique, suspendue entre les bruits feutrés des canards frénétiques et le chuchotement des roseaux. Et nos chères carpes, là-dedans ? Discrètes, rusées, mais bien réelles. Et parfois monstrueusement lourdes.
Alors, comment aborder ce plan d’eau atypique ? Je vous propose ici un petit tour d’horizon : techniques, matos, périodes propices, et quelques leçons tirées de mes jolis capots (et de quelques miracles).
Une morphologie piégeuse pour le pêcheur distrait
Le Lac de l’Uby, c’est un bassin artificiel mais qui n’a rien d’un désert aseptisé. Il présente une topographie variée avec des fonds qui flirtent entre 0,5 à 4 mètres, des zones d’envasement prononcé, des plateaux immergés et quelques berges abruptes qui obligent à bien sonder. Certains carpistes se laissent berner par son apparente eau calme. Grosse erreur. Il faut lire l’eau comme on lit entre les lignes d’un vieux roman noir : avec patience, intuition et sens du détail.
Des techniques de pêche qui ont fait leurs preuves
Sur l’Uby, jouer les gros bras ne sert à rien. Il faut du doigté et une vraie adaptation au mood de la carpe locale. Voici les techniques qui m’ont rapporté le plus de sensations (et de poissons, quand les astres sont bien alignés) :
- La pêche à la bouillette en spotting tactique : En raison des zones vaseuses et des herbiers parfois envahissants, je recommande des montages flottants ou équilibrés (type snowman sur bonhomme de neige) avec une présentation au millimètre. Pas la peine de balancer 3 kilos de bouillettes « façon saupoudrage », privilégiez des amorçages légers mais ciblés au cobra ou au stick mix.
- Méthode feeder en journée : Sur les berges faciles d’accès, notamment côté base de loisirs, le method feeder est redoutable. Une bouillette de 10-12 mm équilibrée, une petite poignée de pellets bien collés autour, et paf. Simple mais efficace.
- Approche stalking (pour les nerveux comme moi) : Quand l’eau est claire et le soleil haut, on peut apercevoir des carpes longer les bois noyés ou frayer à fleur d’eau. Là, une canne light, un montage discret, et le cœur qui bat à 120 bpm. Émotion garantie.
Le bon matos pour l’Uby : léger mais costaud
L’Uby ne fait pas de cadeau quand on pêche à l’arrache. Voici le combo matos que je recommande après plusieurs tentatives (plus ou moins glorieuses) :
- Canne 10 ou 12 pieds – 3 lbs : Suffisant pour les lancers mi-distance et solide pour brider un vieux cuir énervé.
- Moulinet taille 5000-8000 : Frein précis, bobine large, et un enroulement qui ne joue pas les bâtons dans les ronds.
- Fil en 30/100 + tête de ligne 40/100 fluoro (ou tresse gainée) : Les herbiers = coupe-nylon professionnel. Ne lésinez pas sur la robustesse.
- Backleads et piques longs : Surtout si le vent se lève… ce qui finit toujours par arriver à l’Uby.
Et bien sûr, une bonne chaise confortable, car, spoiler alert : c’est aussi un lac champion de l’attente mystique. Le genre à tester ta philosophie de vie.
Quand venir sur l’Uby ? L’art du bon timing
Toutes les saisons ont leur charme, mais certaines périodes sont plus productives que d’autres. Voici mon ressenti – éprouvé par des nuits glaciales, des matins de brume et quelques apéros imprévus avec des cygnes pas trop farouches.
- Printemps (mars – mai) : Sans doute la meilleure saison. L’eau se réchauffe, les carpes s’activent. C’est aussi le moment où elles remontent dans les zones peu profondes. Les touches sont franches. Prévoir des appâts naturels type maïs ou tiger pour stimuler leur appétit post-hivernal.
- Été (juin – août) : Attention, plan d’eau touristique à cette période. Beaucoup de baigneurs, pédalos, et autres bruits humains. Préférez les sessions nocturnes (dans les zones autorisées) ou très tôt le matin. Pêche discrète, mais carpes lourdes garanties.
- Automne (septembre – novembre) : Un régal. Moins de monde, les poissons font leurs réserves. Amorçage plus copieux possible. Bouillettes épicées ou fishmeal font souvent la différence. J’ai tapé mes plus beaux poissons en octobre sous la pluie battante (et sans café… épreuve).
- Hiver (décembre – février) : Pour les purs et durs. Les touches sont rares, mais le challenge est là. Les petites boules fluo en popup peuvent sauver la session, surtout en pêche lente.
Les postes à ne pas louper
Le tour du lac offre des configurations variées. Voici quelques spots à explorer :
- Zone du camping (rive nord) : Bonne profondeur, pas trop de passage, avec quelques cassures intéressantes. Idéal pour pêche à la bouillette et sessions longues.
- Plage et base de loisirs : Très fréquentée l’été, mais à l’aube c’est un vrai bijou. Présence de haut-fonds et carpes actives sur les bordures.
- Rive ouest boisée : Moins accessible, plus sauvage. Top pour le stalking ou une approche discrète en journée. J’y ai fait quelques belles communes nerveuses comme des torpilles.
Attention : certaines zones sont interdites à la pêche, notamment à cause de la présence d’une zone de baignade et de navigation. Renseignez-vous bien auprès de l’office du tourisme ou directement sur les panneaux sur place. Et gardez à l’esprit que le respect du plan d’eau est toujours une règle non négociable.
L’Uby : patience, mystère et émotions brutes
Si je devais résumer l’Uby en trois mots ? Technique, imprévisible, exigeant. Ce n’est pas un lac qui vous laisse faire votre petit cinéma de pêcheur sûr de lui. Il vous observe calmement depuis ses eaux étales, et ne se dévoile qu’aux plus humbles, aux plus persévérants.
Je me souviens encore d’une session d’automne où, après 48 heures sans une seule touche, j’ai failli plier les gaules par dépit. Et puis, à 5h12 du matin, une canne s’est mis à chanter comme une sirène. Une miroir de 17,4 kilos, sortie du fog, comme un symbole. Depuis, je sais que l’Uby ne récompense pas les audacieux, mais les patients. Ceux qui savent attendre, guetter, sentir. Ceux qui pêchent aussi avec leurs tripes.
Alors si vous êtes du genre à courir après l’action constante, peut-être que ce lac n’est pas pour vous. Mais si vous aimez les défis plan-plan, les silences habités, et les surprises brutales à l’aube, glissez donc quelques bouillettes dans votre seau, et filez direction le Gers. L’Uby vous attend. Et il ne vous fera pas de cadeau.
